Interview Anne Trompette - ASN

Ingénieure biomédicale à l’Autorité de Sûreté Nucléaire, Anne Trompette y apporte une double compétence technique et médicale. Interview avec cette chargée d’affaires dont la mission est tournée vers la veille prospective en matière d’innovations technologiques.


Peux-tu te présenter (ta formation, ton parcours) ?
J’ai une double culture technique et médicale. Après des études d’ingénieur à l’Université de Technologie de Compiègne en génie biologique (filière biomédicale), j’ai exercé pendant quatre ans à l’hôpital de Dreux (Eure-et-Loir). À partir de 2007, j’ai piloté de nombreux projets d’acquisition et d’installation d’équipements biomédicaux à l’AP-HP dans des secteurs médico-techniques de pointe : imagerie médicale, laboratoire, pharmacie, thérapie cellulaire, plateforme de médicaments de thérapie innovante, banque des tissus… En 2010, j’ai eu l’opportunité de retourner sur les bancs de l’UTC-EHESP et d’obtenir le mastère spécialisé « équipements biomédicaux », à l’issue d’une thèse professionnelle sur la centralisation de la préparation des anticancéreux de l’hôpital Saint Antoine.


Peux-tu nous expliquer ton poste actuel à l’ASN ? Dans quelle organisation / équipe s’inscrit-il ?
Depuis 2020, je suis chargée d’affaires et inspectrice de la radioprotection au siège de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN).
Créée en juin 2006, l’ASN est l’autorité administrative indépendante chargée du contrôle des activités nucléaires civiles en France. Dirigée par un collège de cinq commissaires, l’ASN comporte des services centraux situés à Montrouge et onze divisions territoriales lui permettant d’exercer un contrôle de terrain des installations et des activités. Les directions des services centraux de l'ASN élaborent la réglementation technique générale, coordonnent et animent l'action de contrôle en région.

À la Direction des rayonnements Ionisants et de la Santé, je fais partie du bureau compétent pour les expositions médicales aux rayonnements ionisants. Mes collègues sont tous cadres avec des compétences diversifiées dans le domaine de la santé et de la santé publique (médecins, pharmaciens, physiciens médicaux, cadres de santé, chercheurs...).
Mon poste a la particularité d’être transversal sur les quatre domaines couverts par le bureau : imagerie médicale, radiothérapie externe, curiethérapie et médecine nucléaire. Mes missions s’articulent autour des trois missions historiques de l’ASN : la réglementation, le contrôle et l’information du public.
La réglementation doit rester connectée avec les évolutions des pratiques médicales, c’est pourquoi, j’assure une veille technologique et coordonne la recherche biomédicale sur les dispositifs médicaux et les médicaments radiopharmaceutiques. J’anime également le comité CANPRI, composé d’experts et de représentants des institutions, qui identifie les nouvelles techniques et pratiques émergentes et analyse leurs enjeux en termes de radioprotection pour émettre des recommandations à destination du ministère de la santé.
Parmi les projets réglementaires en cours, je participe à la révision des règles techniques d'élimination des effluents et des déchets contaminés par les radionucléides pour prendre en compte les innovations technologiques et pharmaceutiques en médecine nucléaire.

En tant qu’inspectrice de la radioprotection, j’interviens en appui des divisions territoriales de l’ASN lors d’inspections, d’investigations à la suite d’évènements significatifs de radioprotection et pour tout sujet de recherche biomédicale.
Je suis également très impliquée dans le processus de réingénierie et de transformation digitale du cursus de formation interne des inspecteurs de la radioprotection en milieu médical. 
L’information des publics est au cœur de l’activité de l’ASN : mes collègues et moi-même intervenons sur des thématiques réglementaires lors de congrès professionnels et répondons aux questions des internautes posées sur le site internet de l’ASN. 
En situation accidentelle, l’ASN, avec l’appui technique de l’IRSN, a pour mission de vérifier le bien-fondé des dispositions prises par l’industriel, d’apporter son conseil au préfet pour les mesures à prendre concernant la protection des populations, de contribuer à l’information du public et d’assurer la fonction d’autorité compétente dans le cadre des conventions internationales. A ce titre, je participe au dispositif d’astreinte avec des mises en situation et des exercices de crise. 


Ton expérience d’ingénieur biomédical hospitalier est utile au quotidien ? Ce profil était-il recherché lors de ta candidature ? 
Le profil d’ingénieur biomédical était effectivement un des profils recherchés pour ce poste. Outre la connaissance des équipements médicaux et des fournisseurs, mon expérience d’IBMH permet d’apporter une connaissance du terrain sur le fonctionnement de l’hôpital et les interactions entre les différents acteurs, d’intégrer les facteurs organisationnels et humains dans l’analyse des évènements significatifs de radioprotection ou encore d’anticiper les éventuelles difficultés d’application d’un projet de décision.


Quelles sont en quelques mots les actualités de l’ASN pour l’ingénierie biomédicale hospitalière ?
Les ingénieurs biomédicaux coordonnent les projets d’achat et d’installation d’équipements en lien avec les différents acteurs internes et externes de l’hôpital (médecins, cadres de santé, ingénieurs travaux, informaticiens, conseillers en radioprotection, physiciens médicaux, fournisseurs, OCQE…). Ils sont donc des acteurs incontournables pour la mise en œuvre de l’assurance de la qualité rendue obligatoire par deux décisions de l’ASN : la décision n° 2019-DC-0660 en l’imagerie médicale et la décision n° 2021-DC-0708 pour les actes thérapeutiques utilisant des rayonnements ionisants.
Les ingénieurs biomédicaux sont tout particulièrement concernés par la formalisation des modalités d’habilitation aux postes de travail lors de l’acquisition d’un dispositif médical, de la conduite de projet et des responsabilités respectives entre les donneurs d’ordre et les prestataires.
L’ASN attache une grande importance à la gestion des risques : de la déclaration des événements au partage des enseignements issus du retour d’expérience. De par leur rôle transverse et leurs compétences, les ingénieurs biomédicaux sont des acteurs privilégiés pour l’amélioration continue de la qualité et la conduite du changement.